
(1937-1942)
Depuis le début de 1935, la Packard d’entrée de gamme est la 120 (One Twenty), une voiture établie sur un empattement de 3,04 m, avec un moteur à 8 cylindres en ligne de 4,6 litres (4,2 l à l’origine) et vendue à partir de 980$, quand la moins chère des grandes Packard est affichée à 2.485$. Imaginée par Georges T. Christopher, un ancien responsable de GM recruté par Alvan Macauley (le président de Packard) en 1932, la 120 a admirablement réussi sa mission de sauver le constructeur indépendant des affres de la Grande Dépression. Mais, la 120 n’est que la première étape du redressement de Packard, Christopher a élaboré un modèle encore plus petit, avec un moteur à 6 cylindres, type de moteur que la marque a abandonné en 1927.

La nouvelle petite Packard est présentée en janvier 1937, au cours de la 15° Série qui a démarré le 3 septembre 1936. Si la 120 était une petite Packard, la 110 est une petite 120. Son châssis repose sur un empattement de 2,92 m seulement (soit 115 pouces, mais son appellation de 110 (One Ten) a été choisie pour sa similitude avec la 120), et son moteur est un 6 cylindres en ligne qui est simplement le 8 cylindres de 5,2 litres de la marque amputé de 2 cylindres. Sa cylindrée est de 3.875 cm3 et sa puissance est de 100 ch à 3.600 tr/mn ; s’il est moins souple que son aîné, il offre des performances honnêtes et sa consommation est raisonnable. Il est accouplé à une boîte à 3 vitesses synchronisées.

La voiture est proposée en 8 types de carrosseries qui reprennent le style de celles de la 120, mais en plus ramassé, notamment avec un capot et des ailes avant plus courts qui empêchent la mise en place des roues de secours encastrées. En moyenne, le poids d’une 110 est de 1.400 kg. La 110 se remarque par son niveau de finition moindre ; les ouïes du capot sont embouties alors qu’elles sont chromées sur la 120, et l’habitacle est moins cossu avec un tableau de bord sans chrome.

Les tarifs sont fixés à 150$ en dessous de ceux de la 120 ; la gamme démarre ainsi à 800$, et culmine à 1.295$ en version Station Wagon, la neuvième carrosserie proposée en cours d’année.

Si la 120 avait permis à Packard de proposer un modèle au tarif d’une Buick, la 110 positionne désormais la marque au niveau d’Oldsmobile ! Encore plus que pour la 120, les gens qui rêvaient de rouler en Packard sans en avoir les moyens ont l’opportunité de le faire. La voiture est un véritable succès ; la production de l’année modèle (qui s’achève le 29 septembre 1937) est de 30.050 exemplaires, ce qui permet à la production totale de la marque de progresser de 33% pour atteindre 87.243 unités. Mais ce succès s’effectue au détriment de la 120 dont la production fléchit de 9%, à 50.100 exemplaires.

Si Christopher peut être satisfait de son travail, Macauley sait que l’image de marque de Packard vient d’être sérieusement écornée. Pour la 16° Série (du 30 septembre 1937 au 20 septembre 1938), il impose donc certains changements. En premier lieu, les appellations reviennent à des appellations traditionnelles de la marque : la 110 est rebaptisée Packard Six et la 120 Packard Eight.

En second lieu, le 6 cylindres est réalésé à 4.015 cm3 ; la puissance est toujours de 100 ch. mais à un régime de 3.200 tr/mn seulement et le couple est amélioré. La voiture peut rouler à 125 km/h et accélérer de 0 à 80 km/h en 16 secondes. Par ailleurs, l’empattement est allongé à 3,04 m (celui de la Eight passe à 3,22 m). Toutefois, la gamme des carrosseries est réduite à cinq modèles à la suite du passage à la carrosserie tout acier dont l’investissement est trop élevé pour en proposer plus.


Enfin, les tarifs sont relevés, une Packard ne pouvant décemment pas continuer à être comparée à une voiture populaire. La gamme comprend donc le Business Coupe (975$), le Club Coupe (1.020$), le Convertible Coupe (1.135$), la Touring Sedan 2 portes (1.040$) et la Touring Sedan 4 portes (1.070$). Mais 1938 est une année de crise aux Etats Unis et la production de la marque chute de 37% pour n’atteindre que 55.000 unités.

La 17° Série (du 20 septembre 1938 au 8 août 1939) n’apporte pas de changements importants, mais le levier de changement de vitesse peut être monté sur la colonne de direction, une option appelée ‘Handishift’ et la boîte de vitesse peut être équipée en option d’un overdrive baptisé ‘Econo-Drive’. La gamme des carrosseries est complétée par un Station Wagon.

Pour faire face à la crise économique, les prix sont abaissés : le Business Coupe est affiché à 888$, le Club Coupe à 944$, le Convertible Coupe à 1.092$, la Touring Sedan 2 portes à 964$, la Touring Sedan 4 portes à 965$, tandis que le Station Wagon est à 1.404$. La production remonte à 24.350 unités : la Six devient ainsi la Packard la plus fabriquée, largement devant la 120 (17.647 unités).

Judy Garland (1922-1969) et sa Packard Six

Pour la 18° Série (du 9 août 1939 au 31 août 1940), Packard modifie la face avant de tous ces modèles. Comme les autres, la One Ten reçoit ainsi une nouvelle calandre encadrée de deux petites grilles et les phares sont encastrés dans les ailes.

Comparaison entre la face avant du modèle de la 17° Série et celle du modèle de la 18° Série
La gamme des carrosseries comprend toujours les six mêmes modèles, aux prix similaires sauf pour le Station Wagon qui voit son tarif être réduit à 1.200$. La production de l’année modèle atteint 60.300 unités, soit 64% du total de la marque, et plus du double de celle de la 120 !




Prototype du Convertible Coupe de la 19° Série
Avec de tels résultats, la politique d’extension de la gamme de la 110 se poursuit. La One Ten de la 19° Série (du 1° septembre 1940 au 25 août 1941) est ainsi disponible en 13 versions, chaque carrosseries, sauf le Business Coupe, étant proposé en version ‘Standard’ et en version ‘DeLuxe’.

Et un châssis allongé à 3,37 m est proposé, qui permet à Packard d’investir le marché des taxis !

Extérieurement, les voitures de cette série se reconnaissent par leur calandre aux barres verticales et par l’absence de marchepieds (qui restent disponibles en option).

Les voitures peuvent être peintes en option sur demande. Au niveau des éléments de confort, chaque voiture peut recevoir en option la radio, le chauffage, la climatisation et un phare de recherche. Mécaniquement, deux options sont proposées : un embrayage semi-automatique, baptisé ‘Electromatic Clutch’ (qui supprime la pédale d’embrayage mais pas le levier de vitesses), et un overdrive, ‘Aero-Drive’. Mais la production de la 110 chute de 44% et retombe à 34.700 unités en raison de l’arrivée de la nouvelle Clipper en avril 1941, qui met également à mal la 120. La 110 reste cependant la Packard la plus produite de l’année.


Logiquement, pour la 20° Série, Packard adopte les lignes de la Clipper sur tous ses modèles, en laissant toutefois aux acheteurs plus conservateurs le choix de l’ancienne carrosserie sur une ou deux versions.

Retrouvant à l’occasion l’appellation de Packard Six, l’ancienne 110 est ainsi proposée en Convertible Coupe sur empattement de 3,09 m (1.468$) et en Taxi Cab sur empattement de 3,37 m. Mais tous les autres carrosseries sont remplacées par des versions de la Clipper sur un empattement réduit à 3,04 m. Il y a ainsi trois versions ‘Special’ : Business Coupé 3 places (1.248$), Club Sedan 6 places (1.283$), Touring Sedan 6 places (1.310$), et deux versions ‘Custom’ : Club Sedan 6 places (1.353$) et Touring Sedan 6 places (1.388$).
Malheureusement interrompue par la conversion de toute l’industrie automobile à l’effort de guerre des Etats Unis en février 1942, la production de la Packard Six est de 11.325 unités. Elle est ainsi dépassée par celle de la Eight (19.199) qui offre le même choix de carrosseries Clipper à des tarifs supérieurs de 4% seulement.

Epilogue
La Packard 120 sauve littéralement Packard de la faillite dans les années 1930. La firme qui enregistre un déficit de 7 millions de dollars en 1932 renoue avec les bénéfices en 1935 avec un bilan positif de 500.000$. Mais avec la 110, Packard devient avide de ventes et de résultats commerciaux, sous l’impulsion de Georges T. Christopher qui ne cherche qu’à produire toujours plus. En 1937, Packard produit peut être 50.100 ‘120’ et 30.050 ‘110’ quand Cadillac ne produit que 32.000 LaSalle, mais elle ne produit que 5.793 Super 8 quand Cadillac produit 13.629 modèles V8. Si la firme de Grand Boulevard reste le premier constructeur de prestige en termes de quantité, il est désormais évident que Cadillac prend la première place dans l’esprit du public. Beaucoup de personnes que l’on aurait jamais vues auparavant dans une Cadillac en achète maintenant une plutôt qu’une Packard de peur d’être confondu avec ceux qui achètent une 110 !
En définitive, si la LaSalle avait le tort de ne pas être une Cadillac, il est tout aussi évident que la 110 avait le tort d’être une Packard … mais aurait-elle trouvé une clientèle si elle ne l’avait pas été ? Le statut de constructeur indépendant de Packard l’obligeait à avoir un modèle lui permettant de disposer d’une assise commerciale solide. Mais sans le soutien d’un groupe puissant, Packard ne pouvait pas se séparer de ces modèles de circonstances comme Cadillac l’a fait de sa marque compagnon. Cette situation empêchera Packard de suivre Cadillac dans sa marche vers le marché supérieur après la guerre ; pour tout le monde, la plus petite Cadillac sera toujours plus chère que la plus petite Packard, et cela suffira au déclin irrémédiable de Packard.