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Lincoln Continental (1961-1968)

Le destin de Lincoln bascule totalement avec le lancement du modèle de 1961. Toute l’ancienne gamme est abandonnée et la division se concentre sur un modèle unique au style entièrement nouveau. Alors que Cadillac et Imperial continuent sur leur lancée, Lincoln présente une voiture aux flancs lisses, dépourvue d’ailerons et de chromes et avec des pare-chocs qui s’intègrent aux arêtes des ailes. Le tout constitue une voiture pleine de légèreté, malgré ses 5,39 mètres de long et ses 2 mètres de larges. La nouvelle venue est baptisée, comme son ancêtre de 1939 : Continental.

Une classique moderne (1961-1965).

Présentée en septembre 1960, la Lincoln Continental (c’est la deuxième voiture à porter ce nom, le modèle de 1956 était une « Continental » Mk II) rompt radicalement avec la tradition de la voiture de luxe américaine. Si l’ostentation subsiste, il n’est plus question de grandes envolées de chromes et d’acier. Il y a beaucoup d’élégance, de maîtrise et de retenue dans ses formes. Le magazine « Road & Track » la désigne parmi les sept voitures les mieux construites au monde.

En fait, ce dessin est esquissé en août 1958 et il est destiné à la nouvelle Ford Thunderbird. Mais la Ford doit rester un coupé à deux portes et le dessin revient alors à Lincoln. Ces échanges d’études sont courants au sein du groupe, la première Ford Thunderbird dérive d’ailleurs du dessin de la Continental Mk II. L’équipe chargée du projet est dirigée par Elwood Engel. Diplômé de l’institut Pratt, Engel rejoint le centre de style de la GM en 1940, avant d’être incorporé par l’armée au sein de son corps d’ingénieurs. En 1945, il travaille au studio de style indépendant de George Walker et dix ans plus tard, il suit son patron qui devient le chef du style de Ford. En 1961, il rejoint le centre de style de Chrysler, et son premier travail est l’Imperial de 1964, dont le style évoque fortement la Lincoln Continental.

La Continental est le seul modèle disponible chez Lincoln de 1961 à 1968. Elle est proposée en deux versions à quatre portes s’ouvrant en éventail (comme la Cadillac Eldorado Brougham de 1957-1958 ou la Facel-Véga Excellence de 1958-1962) et à six places; une berline et une décapotable. Là, Lincoln se démarquent nettement de la concurrence. C’est la seule marque au monde à proposer une voiture décapotable à quatre portes, digne héritières des torpédos et des phaétons des années 1930. Et cette carrosserie est d’autant plus remarquable que la Continental a une structure autoporteuse! Le président Kennedy l’adopte aussitôt comme voiture officielle, dans une version allongée par Hess & Eisenhardt.

Mécaniquement, la Lincoln est prête à affronter ses concurrentes. Face au V8 de 6,4 litres de 350 chevaux des Cadillac et au V8 de 6,8 litres de 355 chevaux des Imperial, Lincoln présente un V8 plus gros (7 litres), moins puissant (300 chevaux) mais beaucoup plus souple (64,3 daN contre 59,4 pour le Cadillac). Ce moteur culbuté est alimenté par un carburateur inversé double corps. La transmission est classique avec une boîte automatique à convertisseur de couple hydraulique et une double gamme de rapports, la « Twin Range Turbo Drive ». Les suspensions sont également classiques avec des ressorts hélicoïdaux à l’avant, un pont rigide et des ressorts semi-elliptiques à l’arrière. Rien d’original non plus du côté des freins, avec de gros tambours assistés et un énorme servofrein Bendix. Enfin, la direction utilise un circuit de billes avec une assistance hyper douce d’origine Ford. La vitesse maximale est de 180 km/h. Comme les Cadillac et les Imperial, la nouvelle Lincoln est taillée pour les autoroutes sans fin, parcourues à vitesse stabilisée, les routes de campagnes ne lui conviennent pas.

Conformément à ce que faisait Leland, Lincoln assure à sa clientèle l’excellence de sa fabrication. L’adoption d’un graissage permanent facilite grandement l’entretien. Chaque moteur est essayé sur un banc pendant trois heures à 3.500 tr/mn (la puissance maximale est obtenue à 4.100 tr/mn). Chaque transmission subit le même traitement pendant une demi-heure. Et finalement, chaque voiture est essayée sur route sur vingt kilomètres. Et pour prouver la confiance dans la résistance de ses voitures, Lincoln offre une garantie de deux ans ou de 400.000 km.

25.160 Lincoln continental sortent des chaînes en 1961, dont 2.857 décapotables. C’est beaucoup mieux qu’Imperial, et mieux que la Cadillac Sixty Special (15.500 unités). Mais la production totale de Cadillac atteint 138.379 unités, plus de cinq fois plus...

Une classique hors mode.

Avec sa nouvelle Continental, Lincoln décide, comme Pierce Arrow en son temps, que les changements de carrosseries ne seront plus systématiques, à l’opposé de Cadillac qui continuent de changer ses modèles tous les deux ans. Cependant, quelques modifications sont réalisées pour 1962; la calandre est simplifiée, une barre horizontale chromée venant la séparer en deux parties, le pare-chocs est épuré et les phares perdent leur encadrement. Pour 1963, les changements sont encore plus mineurs et les voitures de ce millésime ne se reconnaissent que par la texture de la grille de la calandre. En revanche, le moteur gagne 20 chevaux et se rapproche ainsi des 325 chevaux du moteur Cadillac.

Les modifications de 1964 touchent essentiellement l’habitabilité, et l’empattement est ainsi porté de 3,12 mètres à 3,20 mètres; les 8 cm supplémentaires permettent d’allonger l’espace alloué aux jambes des passagers arrière. Pour améliorer la garde au toit de ces mêmes passagers, le pavillon arrière est élargi. De fait, la lunette arrière est agrandie. Bien qu’imperceptible, ces modifications sont quelque peu malheureuses du point de vue esthétique. Enfin, la calandre reçoit des dents chromées verticales. En 1965, la calandre adopte un dessin vertical, et les clignotants avant viennent se loger dans le prolongement du pare-chocs. Mais ces modifications ne font qu’annoncer des changements plus importants. On peut considérer que les Continental postérieures à ce millésime n’ont plus la pureté originelle des modèles 1961 et 1962.

Du coté des concurrents, la riposte arrive. Chrysler propose depuis un an maintenant sa copie de Continental, l’Imperial Crown à moteur V8 de 6,8 litres de 360 chevaux. Et Cadillac a définitivement abandonné ses ailerons; sa Fleetwood Brougham dispose d’un V8 de 7 litres et de 340 chevaux. Cadillac reste en tête de la course avec 181.435 voitures produites. Mais la Fleetwood Brougham ne compte que pour 18.100 unités, alors que l’Imperial atteint 21.257 exemplaires et que Lincoln construit 40.180 Continental, dont 3.556 décapotables...

Fin d’une époque (1966-1967)

L’année 1966 voit l’apparition d’une nouvelle Lincoln Continental. Malgré une ressemblance évidente, la carrosserie n’a plus aucun embouti commun avec le modèle précédant et le moteur est fortement remanié. Désormais, le décrochement de l’aile arrière est plus accentué et le filet chromé de la ceinture de caisse est doublé d’un pli de la tôle. Le moteur est réalésé à 7.565 cm3, avec un alésage porté de 109,2 mm à 111,2 mm et une course augmentée de 93,98 mm à 97,3 mm. Sa puissance est de 340 chevaux, autant que le V8 de Cadillac.

La gamme s’enrichit d’une version coupé à deux portes, histoire de concurrencer la Cadillac Eldorado. Vendu moins cher que les deux autres modèles, le coupé fait grimper le niveau des ventes à 54.755 unités : 35.809 berlines (65%), 15.766 coupés (29%) et 3.180 décapotables (6%). Chez le concurrent, la Fleetwood Brougham se maintient à 18.805 unités et l’Eldorado atteint 2.250 exemplaires. Mais le total de Cadillac est de 196.405 voitures; Lincoln ne représente que 28% des ventes de son rival.

La gamme est reconduite une dernière fois pour 1967. La Continental reçoit une nouvelle carrosserie pour 1968 et la décapotable est définitivement arrêtée après que 18.019 exemplaires en ont été construits entre 1961 et 1967 (6,8% de la production totale de la Lincoln Continental). Lincoln élargit sa gamme en présentant une descendante de la Continental Mk II, la Lincoln Mk III.

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