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Marmon Sixteen

Marmon V16

 Marmon cars 2

Outre Cadillac, deux autres constructeurs américains osent présenter un modèle à moteur à 16 cylindres, mais un seul parvient à le produire en (petite) série : Marmon.

Howard c marmon

Les origines de Marmon remontent à 1856, avec la Nordyke & Marmon Company, installée à Indianapolis (Indiana). Howard Marmon succède à son père en 1902 et il se lance dans la construction automobile avec une voiture à moteur V4 refroidi par air et à lubrification sous pression. En 1908, bien que Marmon présente un V8 de 60 ch, toujours refroidi par air, il préfère monter des gros moteurs à 4 cylindres sur ses modèles de 40/45 ch et de 50/60 ch. La marque s’illustre en 1911 en remportant les premiers 500 Miles d’Indianapolis. Elle est également la première à monter un rétroviseur sur ses voitures. La première 6 cylindres apparaît en 1916. Mais la firme ne profite pas de la croissance économique des années 1920 et, en 1924, Marmon recrute Georges M. Williams à la tête de la société. En 1926, Howard Marmon quitte la société et crée une filiale, la Midwest Aircraft, pour se consacrer à la recherche.

Williams restructure complètement la gamme : il abandonne les modèles précédents pour ne produire que des modèles à moteurs à 8 cylindres en ligne à partir de 1927. Il souhaite également élargir son offre et en 1929, il crée une marque compagnon, Roosevelt (baptisée en l’honneur de Théodore Roosevelt, président des Etats-Unis de 1901 à 1908) qui propose une 8 cylindres à 1 000 $, quand la plus chères des Marmon est affichée à 5 000 $. La production culmine avec 22 000 voitures, mais en 1930, elle retombe à 12 300 unités.

Howard Marmon présente alors le résultat de ses cinq années de recherche : la Marmon V16.

Une autre mécanique d’exception.

Lebaron marmon sixteen limousine 1931 18

Comme son nom l’indique, la nouvelle Marmon dispose d’un moteur à 16 cylindres en V. Sa cylindrée de 8 046 cm3 (491 pouces cubiques) lui permet de développer 200 ch à 3 400 tr/mn. Les culasses ont des soupapes en tête actionnées par des culbuteurs depuis un arbre à cames central. Le taux de compression est assez élevé pour l’époque, avec un ratio de 6 : 1.

Le bloc moteur est une merveille de fonderie ; il est constitué en un seul morceau, avec une section en forme de ‘Y’. Comme le V16 Cadillac, l’angle du V de 45° a été imposé par l’étroitesse du capot. L’alimentation est assurée par un seul carburateur double corps Stromberg et c’est une seule et même tubulure superbement moulée et installée au milieu du V qui alimente les deux blocs de cylindres. Les tubulures d’échappement sont situées à l’extérieur du V.

Entièrement réalisé en alliage léger, le moteur, équipé de tous ses accessoires, pèse 422 kg, soit 167 kg de moins que le V16 Cadillac ! Son rapport poids/puissance est ainsi de 2,11 kg/ch, et seul celui du moteur de la Duesenberg J est meilleur.

Pour le freinage, Marmon utilise le nouveau système assisté à double circuit de Bendix. Plus classiquement, la suspension est confiée à des essieux rigides et des ressorts semi-elliptiques.

Les carrosseries.

Lebaron marmon sixteen limousine 1931 02

Pour dessiner sa fabuleuse voiture, Howard Marmon fait appel à Walter Dorwin Teague, un designer renommé. Mais comme ce dernier l’a reconnu, tous les dessins originaux de la Marmon sont réalisé par son fils, W.D. Teague junior, alors étudiant au MIT (Massachusetts Institute of Technology), au cours de ses vacances d’été et pendant ses week-ends. W.D. Teague senior effectue cependant toute les transpositions de dessins de son fils pour l’industrialisation de la voiture.

S’affranchissant de tout héritage éventuel des Marmon précédentes, Teague junior crée une voiture à l’allure extraordinaire sur laquelle « tous les détails désagréables à la vue » ont été supprimés. La calandre en étrave est dépourvue de toute ornementation, le bouchon de remplissage du radiateur étant situé sous le capot. La ligne de caisse est parfaitement horizontale. Le pare-brise reprend l’inclinaison de la calandre. La ligne du toit est surbaissée. Les portières descendent jusqu’aux marchepieds. Les amortisseurs avant sont cachés par les ailes.

Etablie sur un empattement de 3,68 m, la voiture mesure 5,55 m de long sur 1,80 m de large. Elle pèse 2 180 kg, bien que sa construction fasse largement appel aux alliages légers ; le capot, les ailes, les marchepieds, les montants des roues de secours, les coupoles des phares, les montants des feux arrière et le tuyau du réservoir d’essence sont fabriqués en aluminium.

Les voitures de série sont assemblées par LeBaron, et la gamme comporte huit modèles : cinq berlines, deux coupés et une Victoria. Deux carrossiers seulement en proposent des interprétations : Waterhouse, qui réalise deux Tourers, et Hayes, qui assemble une Victoria dessinée par Alexis de Sakhnoffsky. Cette dernière est vendue 5 700 $, alors qu’une Marmon V16 de série coûte entre 5 220 $ et 5 400 $.

Lebaron marmon sixteen limousine 1931 04

Marmon sixteen dawson

Marmon 16 01

Conçue comme un tout, la Marmon V16 marque une étape dans la conception des grandes voitures de luxe en donnant la même importance à l’étude de la mécanique et à celle de la carrosserie. Grâce à elle, Howard Marmon reçoit la médaille d’or de la SAE qui consacre « la réalisation la plus saisissante de l’année », en février 1931.

Performances.

Puissante et relativement légère, la Marmon V16 surpasse en accélération et en vitesse de pointe toutes ses rivales. Même la Duesenberg J est battue au démarrage (mais cette dernière se dédouble rapidement et dispose d’une vitesse supérieure). Elle accélère de 0 à 96 km/h en 14 s, et sa vitesse maximale est de 169 km/h. Chaque voiture sort d’ailleurs de l’usine avec une plaque sur le tableau de bord certifiant qu’elle a parcouru deux tours complets du circuit d’Indianapolis à plus de 100 mph (160,9 km/h). En fait, chaque voiture parcourt même 42 tours du circuit (soit 338 km) avant d’être livrée. Mais plus que sa vitesse, c’est sa souplesse qui mérite d’être soulignée ; le couple du moteur lui permet en effet de rouler en prise directe dès 8 km/h …

Pour démontrer que ces performances ne sont pas obtenues au détriment de la fiabilité, une voiture bat le record de vitesse sur 24 heures à Indianapolis en roulant à une vitesse moyenne de 112 km/h pendant 2 688 km (ce record tient pendant 22 ans).

Carrière commerciale.

Marmon sixteen ad

Présentée au cours de l’hiver 1930/1931 comme « la voiture la plus moderne du monde », la Marmon V16 sort un an après la Cadillac 452 qui a quasiment accaparé toute la clientèle possible pour ce type d’automobile, et au moment le plus critique de la crise économique. Son développement ayant pris du retard, la première Marmon V16 n’est livrée qu’en avril 1931. Beaucoup de clients intéressés n’attendent pas et préfèrent passer commande d’une Cadillac. En septembre 1931, Marmon annonce que le modèle de 1932 est disponible en 32 types de carrosseries … mais c’est trop tard. Pour chaque Marmon V16, Cadillac sort dix de ses 16 cylindres.

Pourtant, la direction de Marmon met tous ses espoirs dans la 16 cylindres. La gamme de 1933 est réduite à ce seul modèle, Marmon abandonnant toutes ses 8 cylindres ! C’est la pire décision à prendre au plus mauvais moment de la conjoncture économique ; privée du soutien d’une gamme économique, Marmon fait faillite.

Les chiffres exacts de la production de la Marmon V16 ne sont pas connus. Les estimations varient de 385 à 500 voitures, la réalité se situant probablement plus près du chiffre le plus bas, Marmon n’étant pas en mesure d’assembler plus de 300 moteurs V16 par an. Seule la production de 1933 est parfaitement connue, en raison des bilans publiés à la faillite de la société, avec 86 exemplaires construits. Une soixantaine seulement de Marmon V16 ont survécu.

La dernière Marmon V16, un coupé décapotable avec spider, est vendue à William B. Ansted en échange de l’épuration complète de la dette de 70 000 $ que Marmon lui doit en tant que fournisseur des ressorts de suspension.