Ford T

C’est le 1° octobre 1908 qu’Henry Ford lance la production de son Model T, la voiture qui va « mettre l’Amérique sur 4 roues », avec une production totale de 15.456.868 exemplaires jusqu’en 1927.

Historique.

1896 ford quadricycle

Fils d’un fermier, Henry Ford (1863-1947) s’enthousiasme très vite pour la mécanique. Après avoir fabriqué son premier moteur à 4 temps dans sa cuisine en 1893, il construit sa première voiture dans son cellier en 1896 et il la vend à un ami pour 200 $. Dès lors, malgré son travail chez Edison, il cherche à devenir un constructeur automobile. Approché par les responsables de la Detroit Automobile Company, il en devient l’ingénieur en chef en 1901, fait rebaptiser la société Henry Ford Company mais ses vues sur la voiture à construire divergent de celles de ses associés. Il les quitte au bout de trois semaines … et les laisse contacter Henry Martin Leland qui réorganise la société en Cadillac Automobile Company.

1904 ford 999 barneyoldfield henryford

Henry Ford et Barney Oldfield au volant de la 999

Henry Ford construit alors des voitures de course et de record et trouve un associé pour créer une nouvelle société, la Ford & Malclomson Company, rebaptisée Fordmobile Company (à l’instar de la société Oldsmobile de Ransom Eli Olds), qui ne produit aucune voiture. Et le 15 juin 1903, il fonde la Ford Motor Company, avec suffisamment de capital pour envisager le lancement d’une voiture, le Model A, un runabout typique de cette époque, avec un moteur bicylindre de 8 ch., qui est produit à 1.708 exemplaires et qui engrange un chiffre d’affaire de 1,5 millions de dollars. Les nouveaux modèles s’enchaînent : Model B à moteur 4 cylindres et Model C en 1904, puis, en 1905, Model K à moteur 6 cylindres, Henry Ford ayant dit à son sujet : « je n’ai pas besoin d’un moteur qui a plus de bougie qu’une vache a de trayons sur son pis ». La Ford K est produite à 6 exemplaires par jour et la société Ford gagne de l’argent. Grâce à cet argent, Ford rachète les parts de ses associés et peut enfin se lancer dans le projet de sa vie : une voiture unique, bon marché et populaire...

1904 model a ford

Ford Model A

En 19 ans de production, la Ford T reste fondamentalement la même voiture avec la même base mécanique. Son châssis dispose d’un empattement de 2,54 m, de voies de 1,42 m (et même de 1,52 m sur commande spéciale) et d’une garde au sol de 38 cm, parfaitement adaptée aux « routes » américaines d’alors. Ces caractéristiques lui donne son allure « haute sur pattes » qui la fait surnommée « l’araignée » par les européens. Son moteur est un 4 cylindres en ligne de 2.892 cm3 (alésage de 95 mm x course de 102 mm) développant 20 ch. à 1.500 tr/mn et il ne consomme que 10 litres d’essence aux cent kilomètres.

1908 chassis

 

La boite de vitesse a 2 rapports avant et une marche arrière et le freinage est assuré par des bandes qui s’enroulent autour de l’arbre de transmission : le tout est commandé par un système absolument non conventionnel constitué par trois pédales sur le plancher, deux leviers sur la colonne de direction, et un levier au plancher à la gauche du conducteur. Le point mort est assuré quand le levier au plancher est en position droite. Le levier de droite sur la colonne de direction est l’accélérateur, et l’autre levier est l’avance à l’allumage. La pédale de gauche enclenche la première vitesse quand elle est débrayée, et la seconde vitesse quand le levier au plancher est en avant et qu’elle est relâchée… La pédale du milieu enclenche la marche arrière et la pédale de droite est celle du frein. Le frein d’urgence est actionné en ramenant le levier du plancher en arrière. Après l’avoir conduite pendant un mois, ça devient facile... En cas de problème, le fait d’appuyer sur les trois pédales arrête la voiture assez vite : les bandes bloquent l’arbre de transmission. La meilleure chose à se rappeler en conduisant une Ford T est d’être prêt à tout !

Une autre caractéristique de la Ford T est le grand usage d’acier vanadium dans la fabrication de pièces de sa mécanique et de sa carrosserie, ce qui lui permet de ne pas peser plus de 650 kg en version de base. Henry Ford a l’idée d’utiliser cet alliage en examinant l’épave d’une voiture de course française après une compétition en Floride. Observant que ses pièces sont très légères, il apprend que cet alliage est presque trois fois plus résistant à la torsion que les alliages utilisés par les constructeurs américains d’alors. Personne en Amérique ne sachant comment fabriquer de l’acier vanadium, Ford fait construire un haut fourneau spécifique. Les seules voitures au monde à utiliser de l’acier vanadium au cours des cinq années suivantes sont ainsi les voitures de luxe françaises et la Ford T. L’utilisation de cet acier vanadium explique pourquoi autant de Ford T ont survécu jusqu’à nos jours.

La conception simple et solide de la Ford T lui vaut immédiatement son surnom de « Tin Lizzie » (Lizzie la ferraille) … clin d’œil à l’appellation « Lizzie » (diminutif d’Elizabeth) fréquemment donnée aux chevaux à cette époque. Pour ceux qui n’avaient jamais vu une voiture, la Ford T était vraiment un "cheval métallique."

Carrière commerciale et impact économique.

Disponible initialement en 6 carrosseries : Touring (4/6 places décapotable), Tourabout, Runabout (2/3 places décapotable), Landaulet, Town Car (coupé chauffeur) et Coupé, et en quatre teintes (vert, rouge, bleu et gris), la Ford T est proposée à partir de 825$. La production démarre dans l’usine Ford située sur l’avenue Piquette à Detroit et 10.660 exemplaires sont produits au cours de l’année modèle 1909 ; un record pour une voiture américaine. Le succès s’amplifie au fil du temps : 19.050 exemplaires en 1910, 34.858 en 1911 et 68.773 en 1912. Le chiffre d’affaire de Ford est supérieur à celui de tous les autres constructeurs américains réunis.

Highlan park

Pour répondre aux commandes, Ford fait construire une nouvelle usine à Highland Park en 1913 où il installe la fameuse chaîne de montage. Si le principe n’est pas nouveau (Oldsmobile l’utilise depuis 1899), Ford réussit à en faire un outil extrêmement efficace : le temps d’assemblage d’une Ford T passe de 12 heures et 8 minutes à une 1 heure et 33 minutes ! La production est plus que doublée avec 170.211 exemplaires en 1913 puis 202.667 exemplaires en 1914. Parallèlement, le prix de la voiture chute à 500$. Cette réduction du prix résulte également d’une recherche de réduction des coûts qui se traduit par la limitation à la seule teinte noire de la couleur de la voiture ; mais une Ford T nécessite toutefois l’emploi de plus de 30 sortes différentes de peinture noire pour peindre les différentes pièces de la Ford T. Chaque type de peinture est conçu pour répondre aux différents modes d’application de la peinture sur les différentes pièces, avec des temps de séchage variables en fonction de la peinture et de la méthode de séchage utilisée pour chaque pièce. Les documents techniques de l’usine indiquent que la couleur noire a été retenue en raison de son faible coût et de sa résistance. La légende populaire a immortalisé cette évolution par la célèbre sentence attribuée à Henry Ford : « les acheteurs peuvent choisir leur Ford T de n’importe quelle couleur, du moment que ce soit le noir ».

Fort de sa position dominante sur le marché et conscient de son rôle social, Ford décide en 1914 de limiter la journée de travail de ses ouvriers à 8 heures et de doubler leur salaire, en leur accordant 5$ par jour, au lieu des 2,35$ moyens ; il veut qu’ils puissent acheter la voiture qu’ils construisent, et avoir le temps de l'utiliser. A la stupeur de ses concurrents, il gagne son pari et finit l’année 1915 en ayant vendu 308.162 voitures et en empochant un bénéfice de 25 millions de dollars. Les économistes inventent le néologisme de « fordisme » pour baptiser cette méthode d’augmenter à la fois la productivité et les salaires pour vendre plus.

Jusqu’en 1923, la production de la Ford T s’envole jusqu’à atteindre 2.090.959 exemplaires et son prix diminue jusqu’à 260$. Sa production représente la moitié de celle de toute l’industrie automobile américaine en 1918 et en 1919 et de 1921 à 1925.

La production de la Ford T stagne alors autour de 1.990.000 unités en 1924 et en 1925, avant de tomber à 1.655.107 exemplaires en 1926. Plus de 15 ans après son lancement, la Ford T est concurrencée par les nouvelles Chevrolet et Plymouth aux lignes plus avenantes et à la conduite moins compliquée : Plymouth désigne d’ailleurs son premier modèle de Model U pour bien signifier qu’elle est le successeur de la Ford T ! Ford réagit en proposant à nouveau son Model T en plusieurs teintes de carrosserie, mais 1927 sonne le glas de celle « qui a mis [les américains] sur les roues ». Sa production s’arrête en mai 1927.

1927 ford with model a model t

Evolutions stylistiques.

Si la base reste la même tout au long de sa carrière, la carrosserie de la Ford T est régulièrement remise au goût du jour. Il ne s'agit bien sûr pas de 'design', et encore moins de 'styling', mais la Ford T connaît quatre évolutions notables (en plus des évolutions de détail apportées chaque année).


Première version : 1908-1914

Le capot a une forme hexagonale avec des arêtes vives. Le pare-brise est monté sur un auvent vertical. Les ailes avant sont trapézoïdales.

1908 model t

Plus de 500 000 Ford T sont produites entre 1909 et 1914.


Deuxième version : 1915-1916

L’auvent est prolongé en avant du pare-brise avec des lignes inclinées. Le capot reste cependant inchangé, ce qui confère une ligne assez tourmentée à l’avant de la voiture. Les ailes avant sont trapézoïdales.

1915 tourer

Plus de 800 000 Ford T sont produites entre 1915 et 1916.


Troisième version : 1917-1926

Le capot adopte des lignes plus souples qui lui permettent de venir se fondre harmonieusement dans l’auvent de pare-brise. Les ailes avant sont arrondies.

1918 model t

C’est la version la plus produite, avec plus de 12,6 millions d’exemplaires.


Quatrième version : 1927.

Le capot est parfaitement intégré dans la ligne de caisse de la voiture.

1927

Pour sa dernière année, la Ford T est produite à plus de 450 000 exemplaires.