Centenaire Dodge - 2° partie (1945-1959)

Herb, John et Buzz attendent les réactions du président. Cela fait cinq minutes qu’il est entré dans le studio et qu’il va d’un modèle à l’autre pour s’assoir aux places avant et aux places arrière. « Mais pourquoi garde-t-il son chapeau sur la tête ? » s’exclame John. « C’est sa façon de déterminer l’habitabilité d’une voiture ! » répond Herb. « Et c’est pour cela que Ray et Bob sont partis », ajoute Buzz, « il ne voulait pas de leurs projets de voitures basses ». Le président s’approche d’eux en souriant : « Vos voitures sont parfaites, messieurs ! ».

Kt keller

K.T.Keller

Kaufman T. Keller, le président du groupe Chrysler depuis le retrait de Walter Percy Chrysler, vient d’approuver les propositions des futures modèles des quatre marques du groupe, impassible sous son célèbre haut de forme. Cette exigence pour une garde au toit importante donne aux Plymouth, Dodge, DeSoto et Chrysler une allure guindée. Les critiques évoquent un style « en trois boîtes » ; un habitacle haut perché entouré de la boite du moteur et de celle du coffre. Et le public ne suit pas. Il préfère acheter les nouvelles voitures de la GM ou se tourner vers le style plus novateur des indépendants, Studebaker ou Kaiser-Frazer, où œuvrent désormais les anciens responsables du style de Chrysler : Ray Dietrich[i] et Robert ‘Bob’ Cadwallader[ii]. Ce dernier finit d’ailleurs par débaucher Herbert ‘Herb’ Weissinger, John Chika et Arnott B. « Buzz » Grisinger pour leur faire dessiner les nouvelles Kaiser Frazer.

Les paquebots de luxe achèvent leur périple (1945-1949). 

1948 dodge plant

Pour l’instant, en cette fin d’année 1945, Dodge est occupé à remettre en route les chaînes de production de ses véhicules civils. Et en attendant les nouveaux modèles, ce sont les Luxury Liner de 1942 qui sont relancés, avec une retouche de l’avant qui se voit greffer une nouvelle calandre massive en « cage d’œufs », faite de 9 épaisses barres verticales et de 6 autres horizontales. Des feux de position carrés sont placés en dessous des phares, et l’emblème Dodge vient orner le bout du capot, au dessous d’une nouvelle version du bélier symbole de la marque. Les ailes avant débordent largement sur les portes et une grosse baguette latérale part du phare jusqu’au milieu de l’aile avant. Mécaniquement, la Dodge Série D-24 (selon la nomenclature de l’usine) reprend le vénérable moteur à 6 cylindres en ligne de 3.772 cm3 de 103 ch. Le bouton de démarreur se situe désormais sur la planche de bord et non plus sous la pédale d’accélérateur, et la boîte Fluid-Drive est installée en série. Le freinage est amélioré avec l’installation d’un double maître-cylindre. La voiture est proposée en cinq carrosseries (coupé, cabriolet, berline 2 portes, berline 4 portes et limousine), sur deux empattements (normal de 3,04 m et long de 3,42 m pour la limousine) et en deux niveaux de finition, DeLuxe et Custom, ce qui donne une gamme de 8 modèles. La DeLuxe existe en 3 carrosseries sur châssis normal : Business coupé, Sedan 2 portes et Sedan 4 portes, tandis que la Custom existe en 4 carrosseries sur châssis normal (Club Coupé, Convertible coupé, Sedan 4 portes et Town Sedan) et 1 sur châssis long (Sedan 4 portes 7 places). La Custom se reconnaît à ses entourages de vitres et de pare-brise chromé, à ses deux essuie-glaces et à sa finition intérieure de meilleure qualité, avec ses coussins de sièges en « Air-Foam ». Les poids varient de 1.427 kg pour un coupé à 1.704 kg pour la sedan 7 places, alors que la longueur va de 5,17 m pour le coupé à 5,62 m pour la sedan 7 places. Les tarifs vont de 1.229$ (DeLuxe Business Coupe) à 1.743$ (Custom Sedan 7 places), soit une augmentation de plus de 30% en trois ans de guerre. La division connaît une reprise particulièrement lente avec 420 exemplaires du millésime 1946 produits à la fin de 1945, mais les chaînes tournent de nouveau à plein régime en 1946 avec une production totale de 156.155 unités pour l’année modèle, réparties entre 155.669 sur châssis normaux et 886 sur châssis long. Dodge retrouve ainsi son 4° rang des constructeurs américains. Durant les trois années qui suivent, Dodge n’apporte aucune modification à la voiture. La production augmente de 48% en 1947 pour atteindre 231.850 unités (230.537 châssis normaux et 1.313 châssis longs), mais la marque passe au 5° rang des constructeurs, doublée par Buick en pleine reprise également. Et malgré une nouvelle augmentation de 9% en 1948, avec 253.308 unités (251.874 et 1.434), elle passe au 6° rang en 1948, dépassée par Pontiac.

1948

De façon habituelle chez Dodge, le modèle est reconduit pour 1949 en tant que « première série ». Sa production est maintenue jusqu’en avril 1949, mais ses tarifs, qui ont connu une inflation de 30% en trois ans, s’échelonnent maintenant entre 1.587$ (DeLuxe Business Coupe) et 2.189$ (Custom Convertible Coupe). L’heure est désormais aux véritables nouveaux modèles de la marque.

Trois boîtes sur un châssis (1949-1952).

1949 dodge coronet sedan

Dodge Coronet Sedan, 1949

Ces premières Dodge entièrement nouvelles de l’après-guerre apparaissent en février 1949, sous la forme d’une « deuxième série ». Elles arborent un dessin très carré, avec des flancs presque plats et une calandre simplifiée à 8 barres verticales et 3 barres horizontales. La ligne du capot est plus haute que celle des ailes avant, et les ailes arrière, bien que moins larges, restent proéminentes. Les marchepieds (ou ce qui en restait) ont définitivement disparu. Référencées Série D-29, elles sont proposées en deux longueurs de châssis (2,92 m et 3,14 m), en six carrosseries (coupé, berline 2 portes, roadster, cabriolet, berline 4 places et break) et en 3 niveaux de finition, soit un total de 8 versions. Fidèles au style « en trois boîtes », les volumes restent assez massifs avec l’empattement normal de 3,14 m, mais ils donnent une allure plutôt étriquée sur l’empattement court de 2,92 m des modèles de base (et c’est pire pour les versions Plymouth sur empattement de 2,82 m). Mécaniquement, elles reprennent le bon vieux 6 cylindres de 103 ch. et la boite Fluid-Drive.

Les modèles de base prennent l’appellation de Wayfarer[iii]. Etablis sur l’empattement court de 2,92 m, ils sont proposés en 3 carrosseries : un Coupé, une Sedan 2 portes et … un Roadster, c'est-à-dire une version découvrable à trois places (le troisième passager devant s’installer en travers sur le siège situé derrière la banquette avant) sans vitre latérale !

1949 wayfarer

Au niveau des performances, le roadster Wayfarer accélère de 0 à 96 km/h en 25 secondes, atteint 120 km/h et consomme 12 litres au cent kilomètres. Les tarifs vont de 1.611$ à 1.738$. Le modèle normal de la gamme est la Meadowbrook[iv], la version de base du châssis normal de 3,14 m d’empattement. Elle n’est proposée qu’en une seule carrosserie, une Sedan 4 portes, au prix de 1.848$. Enfin, la gamme est « couronnée » par la Coronet[v], établie sur le châssis de 3,14 m d’empattement et proposée en 4 carrosseries : Sedan 4 portes, Club Coupe, Convertible Coupe et Station Wagon « woodie » 9 places.

1949 dodge coronet woody wagon

Leurs tarifs vont de 1.914$ à 2.865$. La production de cette « deuxième série » de 1949 atteint 256.853 exemplaires[vi], dont 56% de Sedan 4 portes sur châssis normal (soit 144.390 unités). Les châssis courts ne représentent que 25% de la production. Malheureusement, Dodge chute à la huitième place des constructeurs, dépassée désormais par Oldsmobile et par Mercury. Bien que pratiques et confortables, les Dodge, comme tous les produits Chrysler de 1949, manquent de l’allure que les acheteurs recherchent et qu’ils trouvent à la GM et chez Ford.

Le vent du changement souffle alors chez Chrysler. Kaufman T. Keller devient président du conseil d’administration du groupe et il est remplacé à son poste de président de Chrysler par Lester Lum « Tex » Colbert, le directeur général de Dodge depuis 1942 et c’est William Charles ‘Bill’ Newberg[vii] qui devient le directeur général de Dodge. Une des premières décisions de Colbert est de recruter un nouveau responsable du style qu’il débauche de chez Raymond Loewy, Virgil Max Exner. Il lui confie le développement des futurs modèles en lui accordant un budget de 100 millions de dollars. En quelques mois, Exner fait passer les effectifs du studio de style de 17 à 300 personnes ! Il supervise le développement des marques DeSoto, Chrysler et Imperial, et demande à Maury Baldwin de s’occuper de Plymouth et de Dodge.

1950

Dans l’immédiat, les modèles de la Série D-33 présentés le 4 janvier 1950 reçoivent un remaniement de l’avant, avec une calandre sans barres verticales mais avec une barre double en ovale allongé qui déborde sur les côtés pour englober les feux de position et qui semble posée au milieu de la calandre où elle accueil en son centre le blason de la marque. Les feux arrière suivent la ligne des ailes. Une simple baguette chromée enjolive chaque aile avant et arrière ; le nom du modèle est écrit sous la baguette avant, près de la porte. La gamme Coronet est complétée par deux nouvelles carrosseries. La première est une version tout acier du break qui est baptisée « Sierra », et qui devient le seul break disponible après le retrait du break woodie en cours d’année. La seconde, présentée le 11 juin 1950, est celle du premier coupé sans montant (hardtop coupe) de la marque, le « Diplomat », version dérivée du Chrysler Newport de l’année précédente.

1950 dodge coronet diplomat

Au niveau mécanique, les modèles de 1950 reçoivent la première boîte de vitesse automatique de la marque, la GyroMatic Drive, une boîte Fluid-Drive équipée d’un convertisseur de couple hydraulique. Beaucoup plus efficace, la nouvelle boite permet à une Sedan Wayfarer d’accélérer de 0 à 96 km/h en 17,4 secondes et d’atteindre la vitesse maximale de 140 km/h. Les tarifs sont inchangés et la production augmente de 33% en atteignant le record historique de 341.797 unités[viii]. Dodge dépasse Mercury et remonte ainsi à la 7° place des constructeurs américains. Désormais la Sedan 4 portes représente 64% des ventes, et la Wayfarer recule à 22%. Le coupé Diplomat séduit 3.600 acheteurs.

La calandre est à nouveau retouchée pour la Série D-41 présentée le 20 janvier 1951. La grosse barre centrale portant le blason est supprimée (le blason étant placé à l’avant du capot), et l’espace entre les deux barres horizontales supérieures est divisé par 5 petites barres verticales. Le nouveau pare-chocs cache la barre inférieure de la calandre. Sur les enjoliveurs de roues, le nom Dodge n’est plus gravé en rouge, il est écrit en rond dans un disque noir à centre rouge. Le compteur de vitesse est maintenant circulaire ; il est entouré de deux cadrans rectangulaires qui contiennent les quatre jauges. Le roadster Wayfarer devient le cabriolet Sportabout par l’installation de vitres dans ses portes, et une nouvelle carrosserie apparaît dans la série Coronet ; une conduite intérieure huit places de 5,51 m de long avec un empattement de 3,49 m qui est principalement destinée aux sociétés de taxis et de location de voiture de remisage.

1951 dodge coronet 8p sedan

Les tarifs augmentent de 11% en 1951, pour s’échelonner de 1.795$ pour la Wayfarer Business Coupe à 2.916$ pour la Coronet Sedan 8 places. Ils augmentent à nouveau de 5% en 1952, la Coronet Sedan 8 places franchissant de 64$ le cap des 3.000$. William C. Neberg est nommé président de la Division Dodge.

Dodge ne communique pas de chiffres séparés pour les années modèles 1951 et 1952. Il est vrai que depuis juin 1950, les Etats-Unis sont engagés dans une nouvelle guerre, en Corée, et que, de nouveau, Dodge est un des principaux fournisseurs de l’armée américaine. La production automobile passe ainsi au second plan des préoccupations des dirigeants de la marque. D’ailleurs, la Série D-41 est maintenue quasiment à l’identique pour 1952 ; les ouvertures de calandre peinte et les catadioptres sous les feux arrière permettent aux yeux avertis de les distinguer. La production cumulée de ces deux années atteint 496.009 unités (dont 66% de Sedan 4 portes). Les ventes du coupé Diplomat bondissent à 21.600 unités, et celles de la Sedan 8 places atteignent 1.150 unités (0,2%). Les versions Wayfarer ne constituent plus que 16% des ventes. Les chiffres des années calendaires sont en revanche connus et indiquent une production totale de 336.656 unités en 1951 et de 268.094 unités en 1952 ; ce qui permet d’évaluer les productions des années modèles à respectivement 290.000 et 206.000 unités. Dodge reste le 7° constructeur américain, et c’est en 1952 qu’est fabriquée la 6 millionième Dodge.

L’école italienne (1953-1954).

Nouveau châssis, nouvelles carrosseries, nouveau moteur, tout est neuf pour les modèles de 1953 qui sont présentés le 23 octobre 1952. Les carrosseries sont les premières dessinées sous la supervision de Virgil Exner. Plus courtes et plus basses que précédemment, elles présentent une ligne dynamique, élégante et bien proportionnée avec des flancs nets, un pare-brise en une seule pièce et une lunette enveloppante. La ligne de toit et des vitres rappellent celle de la Jaguar. La calandre reprend le dessin précédent en moins massif, et cinq barrettes verticales relient les deux barres horizontales centrales. La décoration latérale consiste en une baguette chromée qui court tout le long du flanc du passage de roue avant jusqu’au bord extrême de l’aile arrière en décrochant au-dessus de la roue arrière, cachée jusqu’au bord supérieur de la jante. Le coffre s’ouvre par un bouton poussoir et non plus par une poignée. Ces nouvelles carrosseries sont montées sur deux longueurs de châssis ; le court à empattement de 2,90 m, partagé avec Plymouth, et le normal à empattement de 3,02 m. Le châssis court reçoit les carrosseries du cabriolet, du coupé sans montant et du break à deux portes, le châssis long celles du coupé et de la berline. Sous le capot, le vieux et fidèle 6 cylindres de 103 ch. est toujours présent, mais il peut être remplacé en option par le premier V8 de la marque, le « Red Ram », une version réduite du fameux ‘Hemi’ de 5,4 litres présenté par Chrysler en 1951. Avec sa cylindrée de 3.954 cm3 (241,3 pouces cubiques), il développe 140 ch.

1953 red ram

Enfin, Dodge inaugure sa première boîte automatique, la Gyro-Torque Drive, qui est en fait une Fluid-Drive équipée d’un convertisseur de couple. L’air conditionné « Fresh Air » est proposé en option à partir du 6 avril 1953.

De fait, la gamme est scindée en deux familles ; les 6 cylindres et les 8 cylindres, toutes les deux déclinées en deux finitions seulement ; Meadowbrook et Coronet. Les 6 cylindres sont proposées en 3 carrosseries : 2 sur le châssis normal (Série D-46, coupé et berline) et 1 sur le châssis court (Série D-47, break 2 portes « Suburban »). La gamme comporte ainsi 7 modèles, dont les prix varient de 1.958$ pour le coupé Meadowbrook à 2.176$ pour le break à 2 portes Coronet Suburban. Pour les représentants de commerce, Dodge propose la berline et le coupé en version épurée, sans entourage de pare-brise, de lunette et de glace ni de baguettes latérales, sous la désignation de « Special » ; mais faute de demande suffisante, ces modèles sont stoppés en avril 1953. Les 8 cylindres sont proposées en 5 carrosseries : 2 sur châssis normal (Série D-44, coupé et berline) et 3 sur châssis court (Série D-48, coupé sans montant, cabriolet et break 2 portes, désigné ici « Sierra »). La gamme comporte ainsi 5 modèles, dont les prix varient de 2.198$ pour le Club Coupé Meadowbrook à 2.503$ pour le break 2 portes Coronet Sierra. Extérieurement, les 8 cylindres se reconnaissent au « Jet Flow », une ouverture ovale à la base de laquelle est inscrit DODGE EIGHT en rouge, surmontée d’un V chromé, entre la calandre et le bélier, là où les 6 cylindres présentent simplement l’emblème de la marque.

Avec l’arrivée du V8, Dodge veut montrer qu’elle offre des modèles de caractère mais qui conservent leur aspect économique ! Pour l’aspect économique, Dodge engage une Coronet Eight Sedan au Mobilgas Economy Run, qu’elle remporte dans la catégorie des 8 cylindres avec une consommation moyenne de 10 litres aux cent kilomètres (23,4 miles par gallon)[ix]. Pour l’aspect sportif, la même voiture bat ensuite 200 records pour voiture de série sur le lac salé de Bonneville, dans l’Utah. Enfin, pour le rêve, Dodge présente un roadster futuriste, la Firearrow, commandée par Virgil Exner au studio de style italien Ghia de Turin. Dessinée par Luigi Segre, la Firearrow est une maquette non roulante qui se veut une réponse éventuelle à la Corvette de GM. Elle présente une carrosserie très basse aux lignes tendues avec un pli de tôle qui suit la ligne de caisse sur tout son pourtour, un pare-brise réduit au niveau d’un saute vent et elle affiche un regard à quatre phares avant.

1953 dodge firearrow

Dans un marché en progression de plus de moitié avec la fin de la guerre de Corée, le public se montre réceptif : la production atteint 320.008 unités, soit une progression de 55% ! Le V8 est un véritable succès ; 57% des Dodge produites en sont équipées (soit 183.333 unités). Les Sedan 4 portes restent les modèles préférés pour 65% des clients, soit 208.217 exemplaires, dont 60% en V8 (124.059 exemplaires). Le coupé Diplomat (uniquement en V8) est produit à 17.334 exemplaires (5,4%). Enfin, les châssis courts ne comptent que pour 13% de la production (42.586 unités). Mais comme tous les concurrents progressent également, Dodge reste à la 7° place des constructeurs.

1954 dodge

La gamme 1954 est présentée le 8 octobre 1953, avec quelques retouches esthétiques et des changements d’appellation. La calandre ne présente plus qu’une seule grosse barre horizontale centrale qui est soutenue en son centre par une épaisse demi-barre verticale qui avance en pointe. Le pare-chocs est équipé de deux gardes massifs qui s’accordent avec cette avancée de la calandre. Sur les modèles à quatre portes, le dessin de la baguette latérale est inversé ; désormais, elle part derrière le phare avant et se poursuit en ligne droite jusqu’à la porte arrière avant de décrocher vers le bas pour reprendre son dessin au-dessus de la roue arrière. Sur les modèles à deux portes, la baguette ne court du phare que jusqu’au milieu de la porte. Des enjoliveurs chromés surmontent les ailes arrière au-dessus des feux, de façon à suggérer la présence d’ailerons, et la désignation de la finition est inscrite en lettres cursives sur les ailes arrière. Au niveau des appellations, le coupé sans montant Diplomat est rebaptisé simplement Sport, le coupé est appelé Club Coupe, certaines versions Meadowbrook sont reprises en finition Coronet, et une nouvelle finition haut de gamme supplante la Coronet, la « Royal », un nom utilisé par Chrysler jusqu’en 1950. Enfin, une nouvelle carrosserie est présentée le 8 décembre 1953, un break à quatre portes proposé en version à 6 ou à 8 places (avec une troisième banquette rabattable placée dans le coffre en sens inverse à la marche), et qui prend l’appellation de « Sierra », celle de Suburban étant désormais réservée aux breaks à deux portes. Sur le plan des moteurs, le 6 cylindres voit sa puissance portée à 110 ch. tandis que le V8 est décliné en deux versions : 140 ch. pour les niveaux Meadowbrook et Coronet, et 150 ch. pour les Royal. Cette dernière version peut être équipée sur demande de tubulures Offenhauser et d’une carburation spéciale qui lui permettent de développer 200 ch.

1954 coronet sierra

La gamme comprend six carrosseries (cabriolet, coupé sans montant, coupé, berline, break à 2 portes et break à 4 portes), montées sur deux empattements (2,90 m et 3,02 m) avec trois niveaux de finition (Meadowbrook, Coronet et Royal) et trois moteurs (6 cylindres 110 ch., V8 140 ch. et V8 150 ch.), soit un choix de 20 modèles ! Les 7 modèles 6 cylindres comprennent le coupé et la berline sur empattement normal en finition Meadowbrook (Série D51-1) ou Coronet (Série D51-2) et les breaks (Série D52) en finition Coronet uniquement qu’il s’agisse du Suburban 2 portes sur empattement court ou des Sierra 4 portes sur empattement normal en 6 ou en 8 places. Les 13 modèles V8 comprennent le coupé et la berline sur empattement normal en finition Meadowbrook (Série D50-1), Coronet (Série D50-2) et Royal (Série D50-3), ainsi que le coupé sans montant et le cabriolet sur empattement court en finition Coronet (Série D53-2) et Royal (Série D53-3). Les breaks V8 (Suburban 2 portes sur empattement court et Sierra 4 portes sur empattement normal en 6 ou en 8 places) ne sont proposés qu’en finition Coronet et ils sont donc regroupés dans la Série D53-2. En cours d’année, comme Dodge a placé un cabriolet Royal comme voiture de sécurité des 500 Miles d’Indianapolis le 31 mai 1954, les concessionnaires en reçoivent 701 copies ; elles se distinguent de la version de série par leurs roues à rayons chromées, leur roue de secours placés à l’extérieur du coffre, façon Continental et leur décoration évocatrice des « 500 Miles».

1954 dodge pace car

Les tarifs n’augmentent que de 1,3%, mais malheureusement, le marché recule de 20% et la production de Dodge s’effondre de 52% ! Elle ne dépasse pas 155.153 unités. La part des V8 monte toutefois à 76%, et les châssis courts ne représentent plus que 11% des ventes (16.480 unités). Les versions « Royal » n’assurent que 3,8% des ventes avec 2.852 unités.

Dodge peaufine cependant son image sportive en participant à la course mexicaine sur route « Carrera Panamericana », dont elle remporte les 1°,2°, 3°, 4°, 6° et 9° places. De son côté, persuadé de pouvoir convaincre le public et les dirigeants du groupe, Exner poursuit le développement de la Firearrow. Le 20 février, au salon de Chicago, Dodge présente ainsi la deuxième version de son roadster futuriste, la « Firearrow II». Toujours construite par Ghia, il s’agit maintenant d’une vraie voiture qui utilise le châssis d’un cabriolet Royal de série avec un V8 porté à 250 ch. Le style évolue ; les phares doubles disparaissent, la calandre est redessinée ainsi que la partie arrière, qui dispose maintenant d’un coffre à bagages. Puis c’est au tour de la Firearrow III, la version coupé beaucoup plus proche d’une voiture de production.

1954 dodge firearrow iii

De nouveau la face avant est redessinée avec des phares doubles, mais c’est l’installation d’un véritable habitacle qui change la nature du dessin. Le 16 juin, la Firearrow III est amenée sur le nouveau terrain d’essai du groupe Chrysler à Chelsea (Michigan). Elle est confié à la pilote Betty Skelton qui a la primeur d’étrenner la nouvelle piste et qui établit alors le record féminin de vitesse sur piste courte (5 miles) à 230,79 km/h, en conduisant en robe et avec des hauts talons.

1954 betty skelton

La Firearrow III est présentée ensuite dans différents salons automobiles, avant de laisser la place à la Firearrow IV, sa version cabriolet. Mais, Exner ne convainc pas et la voiture reste au stade de prototype ; aucune mise en production n’est envisagée. L’heure n’est pas au style élégant des carrossiers italiens : le public attend un style plus agressif comme celui que la GM lui propose. Maury Baldwin va lui offrir !

Un style à la mode (1955-1956).

1955 dodge royal sedan 1

Pour 1955, toutes les voitures du groupe Chrysler changent d’allure de façon radicale. Pendant que Virgil Exner donne aux DeSoto, Chrysler et Imperial son « style du futur » (« Forward Look »), Maury Baldwin assure aux Plymouth et aux Dodge un « style à la mode » (« Flair Fashion »). Les nouvelles Dodge sont présentées le 17 novembre 1954, sauf les breaks et les nouvelles versions « Lancer » qui ne sont présentées que le 7 décembre 1954.

Ces nouvelles Dodge sont plus longues, plus larges et moins hautes. Elles sont établies sur un empattement unique de 3,05 m et leur taille atteint 5,39 m, soit 15 cm de plus qu’avant. La gamme comprend 8 carrosseries : coupé, coupé sans montant, cabriolet, berline 2 portes, berline 4 portes, berline 4 portes sans montant, break 2 portes, break 4 portes. Elles sont déclinées en trois niveaux de finition de base : l’appellation Meadowbrook disparaît, remplacée par celle de Coronet, tandis que celle de Royal désigne les finitions intermédiaires et que les finitions supérieures prennent l’appellation de Custom Royal. Les breaks reprennent leurs appellations spécifiques de Suburban en finition Coronet, et de Sierra en finition Royal. L’appellation « Club » est donnée à la berline 2 portes Coronet V8. Enfin, la nouvelle appellation « Lancer » s’applique au coupé sans montant, quelle que soit la finition, au cabriolet ainsi qu’à une version Custom Royal de la berline. Au final, il y a ainsi 20 modèles. Ils offrent une face avant caractérisée par une calandre réduite à deux ouvertures horizontales divisées par deux épaisses barres horizontales qui s’enroulent sur le bord des ailes. Le capot, qui tombe en arrondi sur les ouvertures de la calandre, est surmonté par une fausse écope qui part en étrave du bord du capot jusqu’au bord du pare-brise ; sur les carrosseries à deux portes, elle se prolonge jusqu’aux ailes arrière en marquant une vague au niveau du montant de custode, de façon à abaisser visuellement la ligne de caisse. La moulure des passages de roue arrière se prolonge à l’horizontale jusqu’aux feux. Les modèles Custom Royal arborent une peinture en trois tons, souvent avec des teintes exubérantes, pour la caisse, la moulure de capot et le toit : leurs séparations sont marquées par des baguettes chromées. Les Lancer ont en plus des ailerons chromés au-dessus des feux arrière « Tandem Jet » en forme de doubles tuyères protubérantes. Extérieurement très sobre, la berline Coronet ne possède qu’une demi-baguette latérale qui commence au phare et qui s’arrête à l’ouverture de la porte avant. Les Royal ont en plus les portes de phares chromés et le nom « Royal » inscrit en lettres cursives sur les ailes avant. Les Custom Royal ont une baguette latérale sur tout le long de la caisse qui se termine à l’aile arrière par un emblème Dodge puis le nom « Royal » écrit en lettres cursive. Les coupés et cabriolet Lancer ont une décoration  latérale spéciale, identique à celle des Coronet trois couleurs, un motif d’aileron chromé, l’inscription « Royal Lancer » en lettres cursives sur les ailes arrière et un V-8 de couleur or sur les côtés arrière à la pointe en V de la baguette latérale. Les modèles 6 cylindres arborent l’emblème Dodge à l’avant et à l’arrière, les 8 cylindres aussi, mais avec un large V sous l’emblème. Le pare-brise enveloppant et une plus grande surface vitrée offrent une meilleure visibilité ; les publicitaires évoquent à son sujet un « nouvel horizon » et une impression de « cockpit de verre ». A l’intérieur, le tableau de bord adopte un dessin asymétrique très élégant, avec tous les instruments regroupés sous les yeux du conducteur. Le levier de sélection de la boite automatique « PowerFlite » est placé verticalement sur le tableau de bord, à droite de la colonne de direction.

Du côté des moteurs, la puissance du 6 cylindres est portée à 123 ch. et l’offre des V8 s’élargit. Réalésé à 4.425 cm3 (270 c.i., avec un alésage qui passe de 87,4 mm à 92,2 mm), le V8 devient le « Super Red Ram » et voit sa puissance monter à 183 ch. ; il est réservé aux Custom Royal. Il peut être équipé en option du « Power Pack », un ensemble constitué d’un carburateur quadruple corps et d’une double ligne d’échappement, qui lui permet de développer 193 ch. ; il est alors désigné sous la référence de « D-500 ». Les Coronet et les Royal doivent se contenter de la version « Red Ram » de 175 ch. dont le bloc est équipé de chambres de combustion « polysphériques » et non plus « hémisphériques » ; les soupapes d’admission et d’échappement sont placées en diagonale les unes des autres, au lieu d’être face à face. Cela permet de n’avoir besoin que d’un seul arbre à cames par rangée de cylindres au lieu de deux et d’améliorer l’accessibilité aux bougies. Le moteur pèse ainsi moins lourd, il est moins cher à fabriquer qu’un moteur « hémi », et son entretien est plus facile. Tous les moteurs peuvent être accouplés à la boite automatique « Powerflite » de Chrysler. La suspension est confiée à des ressorts hélicoïdaux à l’avant, et à des lames semi-elliptiques à l’arrière. Le freinage est assuré par quatre freins à tambours. Equipé du D-500, un coupé Dodge Custom Royal atteint 193 km/h, ce qui lui permet de figurer parmi les voitures les plus rapides que Detroit produit cette année-là. C’est avec ces voitures au style fort et aux moteurs puissants que Dodge commence à acquérir sa réputation de marque de performance du groupe Chrysler.

1955 dodge custom royal lancer hardtop coupe 1

La gamme des 6 cylindres ne comprend plus que 5 modèles, tous en finition Coronet (Série D56-1) : coupé, berline, break 2 portes et break 4 portes 6 places « Suburban » et break 4 portes 8 places « Suburban ». Leurs tarifs débutent à 2.013$ pour la Sedan à 2 portes et culminent à 2.565$ pour le break Suburban à 8 places. La gamme des 8 cylindres comprend les Coronet (Série D55-1), les Royal (Série D55-2) et les Custom Royal (Série D55-3). Les Coronet sont proposées en 7 modèles : coupé, Club coupé, coupé sans montant « Lancer », berline, break 2 portes et break 4 portes 6 places et break 4 portes 8 places. Les Royal sont proposées en 4 modèles : coupé sans montant « Lancer », berline, break 4 portes 6 places « Sierra » et break 4 portes 8 places « Sierra ».  Les Custom Royal sont proposées en 4 modèles : berline, berline « Lancer », coupé sans montant « Lancer » et cabriolet « Lancer ». Les tarifs vont de 2.116$ pour la Sedan 2 portes Coronet à 2.761$ pour le break à 8 places Royal Suburban. Les services commerciaux rivalisent de superlatifs pour décrire les nouvelles Dodge. Les brochures les présentent comme étant « aussi fraîches que les nouvelles du jour » ou  « aussi intéressantes que la prolongation d’un match de hockey » ! Le cabriolet devient « une beauté pétillante, fougueuse, avide de vous accompagner » ; c’est « la voiture qui va faire battre le cœur au même rythme que la promesse d’une grande aventure ». « Sous son long capot bas, une vaste réserve de puissance silencieuse et prête à exploser attend vos ordres ». Dans l’habitacle, « tout le confort et tout le luxe sont à vous ». « Avec ses lignes basses et dynamiques, c’est le nec plus ultra de la voiture décapotable ! » Et les nouvelles Dodge plaisent ! Dans un marché en hausse de 46%, la production de Dodge rebondit de 78% à 276.936 unités. C’est insuffisant pour reprendre la 7° place du marché à Mercury, mais l’écart s’est réduit de moitié. Autre tendance intéressante, les V8 comptent désormais pour 88% des ventes (soit 243.124 unités) contre 12% pour les 6 cylindres (33.812 unités). Le modèle le plus vendu est la berline Custom Royal avec 55.503 exemplaires (20% de la production). En termes de finition, les Coronet représentent 40% de la production, devant les Custom Royal (32%) et les Royal (28%). Toutes finitions confondues, la berline reste la carrosserie la plus appréciée, avec 53% de la production (146.900 unités), devant le coupé sans montant (30%). Le coupé ne compte que pour 9% de la production, le break 4 portes pour 4%, le break 2 portes pour 3% et, avec 3.302 unités, le cabriolet dépasse à peine 1%. La 7 millionième Dodge tombe des chaînes en cours d’année.

1955 la femme

Parmi les 83.057 coupés sans montant, 30.499 sont des Custom Royal Lancer, et parmi ceux-ci, 1.500 sont des « La Femme »[x], une version spécialement équipée pour plaire aux femmes. Il faut dire qu’au milieu des années 1950, les constructeurs commencent à réaliser que de plus en plus de femmes conduisent, et qu’au moment de l’achat, une voiture doit autant plaire à la femme qu’au mari (ce que les vendeurs de voitures savent depuis longtemps). La Dodge « La Femme » est peinte en rose bruyère et blanc saphir, et son intérieur est blanc avec des boutons et des baguettes roses. Parmi les petits accessoires personnalisés, se trouvent un parapluie repliable, un bonnet de pluie, un nécessaire de maquillage et un sac à main dessiné pour être posé au dos du siège avant. Et en tant que Custom Royal Lancer, elle est propulsée par un V8 Super Red Ram, qui peut être commandé en option en version D-500 !

1956

La gamme 1956 est présentée le 7 octobre 1955. Elle reprend les grandes lignes de 1955 avec quelques retouches cosmétiques. L’espace entre les deux ouvertures de la calandre est plus proéminent, les passages de roue sont redessinés et les ailes arrière reçoivent des ailerons. La décoration latérale est entièrement reprise ; la baguette latérale part de l’auvent du capot, au niveau du rétroviseur, pour descendre en courbe vers le bord du pare-chocs arrière. Cette « Saddle Sweep » (la courbe de la selle, comme la désignent les stylistes) marque la nouvelle séparation  des peintures deux tons. Sur les Custom Royal, la ligne poursuit sa course en remontant en parallèle le long de la ligne de l’aileron. A l’intérieur, la commande de boite automatique est assurée par un combiné à boutons poussoir, placé à gauche de la colonne de direction. Sous les capots, la course à la puissance se poursuit. Sous ceux des Coronet, le 6 cylindres atteint 131 ch., et le V8 « Red Ram » 189 ch. Sous ceux des Royal et Custom Royal, le Super Red Ram est réalésé à 5.162 cm3 (315 c.i.) par un allongement de la course de 82,55 mm à 96,52 mm ; il développe 218 ch. En option, il est proposé en versions D-500 avec des soupapes plus larges, des arbres à cames et des culbuteurs redessinés et un taux de compression élevé à 9,25 :1, ce qui lui permet de développer 260 ch.

1956 dodge royal lancer

Dodge Royal Lancer, 1956

Une nouvelle carrosserie de berline sans montant (hardtop sedan) « Lancer » apparaît en finition Royal et Custom Royal. Les breaks 6 cylindres ne sont pas reconduits. La gamme des 6 cylindres ne comprend donc plus que 3 modèles, toujours en finition Coronet (Série D62) : coupé, berline et break 2 portes « Suburban ». La gamme des 8 cylindres comprend à nouveau les Coronet (Série D63-1), les Royal (Série D63-2) et les Custom Royal (Série D63-3). Les Coronet sont proposées en 7 modèles : Club coupé, coupé sans montant « Lancer », cabriolet, berline, break 2 portes « Suburban » et break 4 portes « Sierra » à 6 places et à 8 places. Les Royal sont proposées en 6 modèles : coupé sans montant « Lancer », berline, berline sans montant « Lancer », break à 2 portes « Suburban », break 4 portes « Sierra » à 6 places et à 8 places.  Les Custom Royal sont proposées en 4 modèles : berline, berline sans montant « Lancer », coupé sans montant « Lancer » et cabriolet « Lancer ». Les prix augmentent en moyenne de 8% ; le modèle le moins cher reste le coupé Coronet 6 cylindres, à 2.194$, et le plus cher est le break à 8 places Royal Suburban, à presque 3.000$. Malheureusement, le marché recule de 12% en 1956, et la production de Dodge de 13%, à 240.686 unités. Dodge conserve la 8° place du marché. Les statistiques ne distinguent pas les 6 cylindres des V8, ni les carrosseries entre elles. Cependant, les Coronet représentent 59% de la production (142.613 unités) et les Royal et Custom Royal se partagent équitablement les 41% restants, avec respectivement 48.780 et 49.293 unités. Les statistiques disponibles indiquent par ailleurs que 90,3% des modèles ont la boite automatique, 94,8% le chauffage, 62,6% les feux de recul, 60,2% les pneus à flanc blanc, 24,3% la direction assistée et 17,3% les freins assistés. Les clients de 1956 privilégient le confort à la sécurité de conduite !

La Dodge La Femme est reconduite avec des couleurs différentes : orchidée royal et orchidée brumeuse. Sa production est d’environ 1.000 exemplaires. Pour les amateurs, Dodge propose aussi la Golden Lancer, une version spéciale du coupé sans montant Lancer Custom Royal D-500 peinte en blanc et or avec les baguettes de portes et l’entourage du pare-brise dorés, un tableau de bord couleur or et des garnitures intérieures en  blanc, gris et noir.

Bill Newberg est remplacé par M.C. Patterson à la présidence de la division.

Un style au balancement majestueux (1957-1959).

1957

Les nouvelles Dodge sont présentées le 30 octobre 1956 en même temps que les nouvelles Chrysler. Elles n’adoptent toujours pas le « Forward Look » de ces dernières car leur style prend l’appellation de « Swept-Wing Look ». Les voitures sont plus basses et les ailerons qui sont apparus en 1956 ne sont que des embryons comparés à ceux de cette année. L’empattement est porté à 3,10 m, mais la longueur de la voiture reste fixée à 5,39 m. le pare-brise adopte un dessin enveloppant et la surface vitrée est impressionnante grâce à des montants de toit très fins, au point que certains commentateurs se demandent comment est soutenu le pavillon du toit ! La face avant arbore une paire de phares doubles. En réalité, comme tous les états n’ont pas encore autorisé ce dispositif, les deuxièmes phares ne sont d’abord que des feux de parking hypertrophiés … Ces doubles phares sont en retrait d’un ourlet du capot qui forme visière. La grille de calandre en forme d’ailes de mouette est faite d’une grosse barre centrale à peine plus fine que l’énorme pare-chocs formant un V à base large en son centre qui est occupé par un grand emblème Dodge. Sur les modèles Coronet, une longue barrette coure sur tout le flanc et une autre plus petite délimite les ailerons.

1957 dodge 01

Le nom « Coronet » est inscrit sur les ailes arrière. Sur les modèles Royal, les portes de phares sont chromés, un grand V orne le coffre, et le nom « Royal » est inscrit sur les ailes avant au-dessus de la baguette chromée. Sur les modèles Custom Royal, la calandre s’orne d’une barre centrale à six dents inférieures et le nom « Dodge » est inscrit en lettres dorées sur le côté des ailes avant, au-dessus de la baguette chromée. Le poids des voitures va de 1.562 kg à 1.814 kg. Dans l’habitacle, la position du rétroviseur intérieur n’offre que peu de visibilité ; avec deux passagers avant on ne voit pas grand-chose mais avec des passagers arrière on ne voit plus rien du tout. Cette situation bizarre, que l’on retrouve sur toutes les marques du groupe Chrysler, dure plusieurs années avant que le constructeur décide de remettre le rétroviseur en haut du pare-brise.

La partie mécanique reprend les grandes lignes du modèle précédent, mais la suspension est améliorée avec l’installation de barres de torsion sur le train avant en lieu et place des ressorts hélicoïdaux et les roues ont des jantes de 14 pouces (et 15 pouces sur les versions D-500-1). Baptisée « Torsion-Aire », cette suspension offre aux voitures une meilleure tenue de route, aussi bien par rapport aux modèles antérieurs que par rapport aux modèles de la concurrence. Les roues arrière restent suspendues par des ressorts à lames. Le choix des moteurs comprend toujours le bloc à 6 cylindres de 138 ch, le V8 Red Ram de 5,3 l et 245 ch., le V8 Super Red Ram de 285 ch. et le D-500 de 5,8 l et 340 ch. Les filtres à air à bain d’huile sont remplacés par des filtres en papier. La transmission automatique Torque-Flite de Chrysler est proposée en option. Le moteur le plus puissant est le V8 D-500-1 à chambres hémisphériques ; les modèles qui en sont équipés arborent un badge « D-500 » sur le couvercle de coffre. Avec un tel moteur, les voitures accélèrent de 0 à 100 km/h en 9s 1/2 !

1957 dodge 04

La gamme comprend 7 carrosseries : coupé sans montant, cabriolet, berline 2 portes, berline 4 portes, berline 4 portes sans montant, break 2 portes et break 4 portes. Elles sont déclinées en trois niveaux de finition ; Coronet, Royal et Custom Royal, auxquels s’ajoutent les versions Lancer pour les carrosseries sans montant. Les breaks conservent leurs appellations de Suburban pour le modèle à 2 portes et de Sierra pour les modèles à 4 portes, et pour la première fois, ils sont présentés en une série propre série : les modèles de base sont le Suburban et le Sierra, qui ont le même niveau de finition que les Coronet, et ils sont complétés par les Custom Sierra, comparables aux Royal. La roue de secours est installée derrière la roue arrière droite, sous un panneau amovible. Le modèle 9 places possède une troisième banquette « Spectator », ainsi nommée car elle fait face à l’arrière de la voiture. L’offre des 6 cylindres est réduite à deux modèles ; une Club sedan 2 portes et une Sedan 4 portes. La version à vocation sportive, Coronet D-500, est disponible uniquement en Sedan 2 portes et en Convertible Coupé. Les tarifs s’échelonnent de 2.370$ pour la Club Sedan 2 portes Coronet à 6 cylindres à 3.670$ pour le cabriolet Coronet D-500. Les modèles Royal sont assemblés à Detroit et à Los Angeles.

La production remonte de 19% et atteint 287.861 ; les Coronet comptent pour 56% des ventes (160.979 unités), devant les Royal Custom (19%), les Royal (14%) et les breaks (11%). Les statistiques indiquent que 96,5% des voitures ont la boite automatique, 93,4% un V8, 53,7% la radio, 15,1% un double échappement, 2,2% des sièges réglables électriques, 2,1% des glaces assistées. Malheureusement, bien que les voitures soient très belles, elles souffrent de nombreux problèmes de qualité et beaucoup de clients font jouer leur garantie. Chrysler lance alors un programme d’amélioration de la qualité, mais la marque va mettre plusieurs années pour regagner la confiance de la clientèle.

Outre l’usine principale de Hammtrack, les Dodge sont désormais assemblées dans l’usine de Newark, au Delaware, une usine qui fabriquait des chars jusqu’alors.

 

Les modèles de 1958 sont présentées le 1° novembre 1957. Versions retouchées des modèles de 1957, ils présentent une calandre constituée d’une simple grille aux alvéoles rectangulaires flanquée de chaque côté d’une demie barre centrale de pare-chocs enveloppante terminée par un garde en forme d’obus. En dessous, le pare-chocs, très enveloppant lui-aussi, n’a pas de gardes. L’empattement mesure toujours 3,10 m et la longueur des carrosseries est de 5,43 m. Les Coronet ont un entourage de pare-brise et des glaces chromé, une baguette de caisse et une baguette d’aileron arrière. La marque Dodge est écrite en relief en lettres capitales sur le capot avant et en lettres cursives sur le coffre arrière, et l’appellation Coronet est écrite sur les ailes arrière à la suite de la baguette chromée. Les Royal se distinguent par le double motif de capot et sur les Custom Royal, la marque Dodge est inscrite en lettres dorées sur le capot et sur le coffre, tandis que l’appellation Custom Royal est écrite à l’avant.

1958 dodge custom sierra

Dodge Custom Sierra, 1958

Sous le capot, la principale innovation est le système d’injection électronique Bendix qui est proposée en option sur tous les V8. Pour sa dernière saison, le V8 325 « hémi » donne ainsi 252 ch. avec ses deux carburateurs quadruple corps et 265 ch, avec l’injection. Le nouveau V8 Ram Fire de 361 c.i. (5,9 l) à culasse non hémisphérique délivre 305 ou 333 ch. et sa version plus petite de 350 c.i. (5,7 l) offre 285 ch. Une douzaine de moteurs D-500 seulement sont équipés de ce système avant que les voitures ne soient rappelées par l’usine en raison de problèmes de mise au point. Elles sont rééquipées d’une carburation normale. Le vieux moteur à 6 cylindres « Getaway » est toujours présent avec 138 ch.

La gamme est pratiquement la même que précédemment ; les Coronet D-500 ne sont toutefois pas reconduites et l’offre des 6 cylindres est complétée avec une berline sans montant Lancer. En février, un coupé sans montant Regal Lancer est proposé comme offre “spéciale printemps” selon les termes du service commercial. Les prix augmentent en moyenne de 3,5% ; le break 9 places Custom Sierra devient le modèle le plus cher de la gamme à 3.354$.

La série Coronet propose cinq types de carrosseries : Sedan 4 portes (2.495$ à 2.602$), Sedan 2 portes (2.414$ à 2.521$), Lancer hardtop sedan (2.729$), Lancer hardtop coupé (2.644 $) et Convertible coupé, (2.907$). Ils sont équipés du 6 cylindres ou du V8 Red Ram de 245 ch. La série Royal propose elle 3 types de carrosseries : Sedan 4 portes (2.757$), Lancer hardtop sedan (2.875$) et Lancer hardtop coupé (2.814$). Ils sont équipés du V8 Super Red Ram de 265 ch. La série Custom Royal enfin propose 4 types de carrosseries : Sedan 4 portes (2.985$), Lancer hardtop sedan (3.097$), Convertible Coupe (3.523$) et Regal Lancer coupé (3.200$). Ils sont équipés du V8 D-500 de 305 ch. Les modèles breaks sont proposes en 5 versions : Suburban (2.930$), Sierra 6 places (2.995$), Sierra 9 places (3.137$), Custom Sierra 6 places (3.172$) et Custom Sierra 9 places (3.314$). Ils sont équipés du V8 Ram Fire de 5.733 cm3 et 295 ch.

Mais 1958 est une année de crise pour l’économie américaine, et elle est désastreuse pour Dodge. La production s’effondre de 52% et n’atteint que 137.861 unités, soit un niveau encore plus bas que celui de 1954 ! La marque finit à la 9° place du marché, juste devant Cadillac. Les Coronet attirent toujours 56% des clients et les Custom Royal 18%, mais les Royal ne comptent plus que pour 11% de la production et les breaks (tous en finition Coronet) atteignant désormais 15%. Avec 1.163 unités, la part de la production de la Custom Royal Regal Lancer est de 0,84% seulement. Le taux d’équipement de la boite automatique atteint le record de 96,4% alors que 62,5% seulement des voitures sont équipées de la direction assistée, et que la direction assistée n’est choisie que par 34% des clients. Les vitres teintées ne séduisent que 23,4% des clients.

Dans l’organigramme du groupe Chrysler, les présidents des divisions sont de nouveau nommés directeur généraux ; M.C. Patterson devient donc directeur général de la division Dodge.

1959 lawrence welk et dodge royal

Les modèles de 1959 sont présentés le 10 octobre 1958. Ils poursuivent le style des années précédentes de façon exagérée. La face avant reçoit des casquettes de phares anguleuses et plus larges, la grille de calandre englobe les demis pare-chocs et les feux de position, les pare-chocs semblent avoir glissé sous la voiture. Les ailes avant descendent dans un arrondi cassé au niveau du capot, et la caisse est enjolivée de larges baguettes. A l’arrière, les ailerons deviennent vraiment gigantesques ; plus hauts et plus fins qu’avant, ils sont complétés par d’énormes feux doubles proéminents. La longueur des carrosseries atteint 5,52 m. en option, l’essieu arrière peut être équipé d’un correcteur d’assiette à air comprimé.

Les intérieurs sont également redessinés et ils se singularisent par leurs sièges avant semi-enveloppants qui pivotent à l’ouverture des portes grâce à un simple levier placé sur le côté du siège (une option disponible sur toutes les voitures du groupe Chrysler). L’idée est de faciliter l’entrée et la sortie de ces voitures toujours plus basses, mais le public ne semble pas en avoir besoin. Elle est abandonnée en fin d’exercice, et GM la reprendra à son compte en 1973 sans plus de succès.

1959 custom royal

Le vénérable 6 cylindres latéral vit alors sa dernière saison. Les V8 comprennent le Red Ram de 255 c.i. développant 326 ch. pour les Coronet, le Ram Fire de 361 c.i. et 305 ch. pour les autres modèles et le Super Red Ram D-500 de 383 c.i. de 320 (avec un carburateur quadruple corps) ou 345 ch. (avec deux carburateurs quadruple corps). Le Ram Fire de 305 ch à quadruple corps coûte 304$ de supplément, la version Super à double corps, 446$. Ces deux groupes sont gourmands, mais c’est l’époque d’essence bon marché et la clientèle réclame toujours plus de performance (un peu moins cependant qu’avant la récession de 1958) ; et si le D-500 est proposé sur toute la gamme, très peu de clients le demande au bout du compte (3.000, soit 1,5%).

La gamme est reconduite, mais sans la Regal Lancer ni le break Suburban à deux portes. Le 6 cylindres n’équipe plus qu’un seul modèle Coronet, et il disparaît en cours d’année. Les prix augmentent en moyenne de 4% ; la Club Sedan 2 portes Coronet est affichée à 2.636$, et le break 9 places Custom Suburban à 3.439$.

La Coronet est proposée en 5 types de carrosseries : Sedan 4 portes (2.537$ à 2.657$), Club Sedan 2 portes (2.466$ à 2.586$), Lancer hardtop coupé (2.594$ à 2.714$), Lancer hardtop sedan (2.792$) et Convertible coupé (2.039$). Ils sont équipés du 6 cylindres de 138 ch. Ou du V8 Red Ram de 5.340 cm3 et 255 ch. La Royal est proposée en 3 types de carrosseries : Sedan 4 portes (2.884$), Lancer hardtop coupé (3.019$) et Lancer hardtop sedan (2.490$). La Custom Royal est propose en 4 types de carrosseries : Sedan 4 portes (3.095$), Lancer hardtop coupé (3.229$), Lancer hardtop sedan (3.151$) et Convertible coupé (3.372$). Ils sont équipés du V8 Super Ram Fire de 5.913 cm3 de 305 ch. Enfin, les Station Wagon sont proposes en 4 versions : Sierra 6 places (3.053$), Sierra 9 places (3.174$), Custom Sierra 6 places (3.268$) et Custom Sierra 9 places (3.389$). Ils sont équipés du V8 Ram Fire de 195 ch. (Custom Sierra) ou du V8 Super Ram Fire (Sierra).

Les modèles Coronet à deux portes peuvent être commandés en finition “Silver Challenger” ; une option qui propose une couleur de carrosserie argent, des pneus à flanc blanc et des roues à rayons, et de nombreux équipements de confort comme une moquette profonde, une finition intérieure de premier choix et des essuie-glaces électriques.

En 1959, Dodge, qui partage la modeste reprise de Detroit, repasse à la 8° place des constructeurs avec une production en hausse de 13% qui arrive cependant péniblement à 156.385 unités. Les Coronet voient leur part de production atteindre 62%, tandis que celle des Custom Royal tombe à 14% et celles des Royal à 9% ; la part des breaks restant à 15%.

 1959 mer 10 82l100

 


[i] Responsable du style du groupe Chrysler de 1933, date à laquelle Chrysler a racheté son atelier de carrosserie, jusqu’en 1940. Il signe le retour de Chrysler à un style moins avant-gardiste que celui de l’Airflow.

[ii] Responsable du style du groupe Chrysler de 1940 à 1944, auteur des superbes prototypes Thunderbolt.

[iii] C’est-à-dire « Voyageur », un nom qui rend hommage aux nombreuses expéditions scientifiques sponsorisée par Dodge dans les années 1920 et 1930.

[iv] Du nom de la résidence achetée par John Francis Dodge en 1910 à Rochester (Michigan).

[v] Terme qui désigne la couronne au-dessus des armoiries en héraldique.

[vi] La production totale de l’année calendaire 1949 est de 298.399 unités.

[vii] Né le 17 décembre 1910, décédé le 7 décembre 2003.

[viii] Le précédent record remonte à 1937, avec 288.841 unités.

[ix] Il convient néanmoins de préciser que la vitesse moyenne est de 50 mph (80 km/h).

[x] Les appellations françaises ont un cachet très chic aux Etats-Unis, dont la marque la plus prestigieuse porte un nom français ! En 1954, Chrysler présente deux voitures de salon aux noms français, les « Le Comte » et « La Comtesse ».

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