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Redéfinition du luxe (1975-1980)

La pression est mise. Dans la seconde moitié des années 1970, un constructeur de voitures de luxe ne peut plus se permettre d’ignorer les économies d’énergies, ou plutôt les inquiétudes des acheteurs vis à vis de la consommation et de la hausse du prix de l’essence. Bien que Cadillac continue de dominer largement tous les autres constructeurs de luxe en production  durant la première partie de la décennie, il doit se soumettre aux ordonnances gouvernementales en matières d’économies d’énergies. Ces ordonnances, les normes CAFE (Corporate Average Fuel Economie = économie d’essence moyenne de gamme) sont peut être la meilleure chose qui soit arrivée à l’industrie. Et indiscutablement pour Cadillac. L’embargo arabe sur le pétrole, et les mesures d’économies d’essence qui suivirent, influencèrent directement le développement de la Séville.

La Séville : une nouvelle vision de l’automobile de luxe.

1975 seville ads

Cadillac pensa à utiliser le nom de Leland pour sa nouvelle berline compacte qui allait être mise sur le marché en 1975. Mais la plupart des responsables remarquèrent que le public ne se souvenait pas de celui qui avait fondé la marque. De plus, Henry Leland avait également fondé Lincoln... On pensa aussi à La Salle; mais l’appellation fut rejetée en raison de son image de perdant. Finalement, la désignation Séville apparut être un choix préférable. En fait, c’est un choix si bon que Ford et Chrysler réagirent en lançant des voitures portant des noms de lieux aussi éloignés comme Versailles et Cordoba. Comme la voiture elle-même, le nom est en phase avec l’époque. D’après Robert Tremplin, ingénieur en chef de la division, « Cadillac est la seule division de la GM a toujours savoir où elle veut aller. Si il y a une croissance dans notre secteur du marché, il est clair que nous devons la suivre ».

Le style de la Séville est une synthèse de nombreux détails déjà vu. Dans l’ensemble, la voiture est nette et compacte. Elle utilise un espace intérieur supérieur aux Mercedes et aux BMW concurrentes. Mais la ligne de fuite du toit, dans le plus pur style de la Rolls Royce Silver Shadow, apparaît à beaucoup de critiques comme terne et sans imagination. « Une lunette arrière plus en pente gênerait probablement un peu l’accès au coffre », écrit un critique en 1977. « A part ça, il y a peu de chose que l’on peut critiquer. Les cotés plats, l’apparence tendue, en une seule pièce, de la face avant donne à la voiture un air réfléchi, accrochant la route... »

Sur la route, il y a beaucoup moins de discussion à propos de la nouvelle Cadillac à 12.000 $. Le V8 de 5735 cm3 accouplé à un nouveau système d’injection électronique délivre une puissance progressive, à la façon d’une turbine. Le 100 km/h, départ arrêté, est atteint en 11 secondes. La vitesse maximale est de l’ordre de 180 km/h. Par rapport à une De Ville , la nouvelle venue pese 450 kg de moins et mesure 70 cm de moins en longueur. Elle annonce la vague de la réduction des grandes voitures de la GM qui déferla deux ans plus tard.. Cette taille compacte n’affecte en rien la conduite de la Séville, qui conserve le confort typique des Cadillac. La voiture est également très souple, grâce à une étude sérieuse de son amortissement et à l’emploi de matériaux particuliers. La suspension utilise ainsi des lames de ressorts en Téflon, une structure des ressorts hélicoïdaux en caoutchouc et la liaison avec la carrosserie est assurée par des Silentblocs en epoxy.

La conduite de la Séville est impressionnante. C’est certainement la Cadillac la plus conduisible jamais produite! Et elle fait aussi bien que ses rivales européennes beaucoup plus chères, quoi qu’en pensent leurs constructeurs. Il y a une certaine tendance au roulis, mais rien de comparable au vautrement typique des voitures habituelles de Détroit. Une Séville ne peut survoler une surface de planche à laver aussi bien qu’une Mercedes 450, mais elle ne coûte pas autant. Le standard du monde est encore le standard.

Evidemment, les acheteurs apprécient la Séville. Durant la première année complète de production de la voiture en 1976, Cadillac en vend plus de 43.000 exemplaires, soit 15% de la production totale de la division. En 1978, les ventes atteignent 57.000 unités, soit à nouveau 15% en raison de l’augmentation proportionnelle du reste de la gamme. Mais la Séville ne doit pas être jugée uniquement sur ses résultats commerciaux. Le plus important est ce qu’elle vient de montrer à l’industrie; elle prouve que Cadillac sait s’adapter, qu’il a des idées nouvelles sur l’automobile de luxe et que ces idées sont justes pour l’époque.

Le temps des  économies.

De 1974 à 1976, la gamme des Calais, De Ville et Fleetwood  n’est pas modifiée. Le style est à la mode, avec des phares rectangulaires et une calandre travaillée à la Séville. En 1976, la forte demande des acheteurs amene pour la première fois la production de la division au dessus du cap des 300.000 unités, à 304.485 unités exactement. Edward C. Kennard, le directeur général de la division, annonce qu’il est « particulièrement satisfait par le quatrième quart de ces résultats car il signifie l’adoption enthousiaste des modèles 1977 au style nouveau et plus économique en essence. »

1976 last eldorado convertible 1

En effet, malgré l’absence de la Calais et du cabriolet Eldorado, Cadillac bat son record en 1977 avec une production de 335.785 unités, production qui atteint 350.813 voitures l ’année suivante. La production de 1979 est moins spectaculaire en raison d’événements en dehors du contrôle de Cadillac. Mais d’une manière significative, la division maintient sa part de marché entre 2 et 3% depuis de nombreuses années.

Il est possible que seule parmi les marques de haut de gamme Cadillac arrive à modifier aussi radicalement ses modèles tout en continuant à battre des records de production. Les modèles de 1977 sont complètement redessinés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ils mesurent 20 à 30 cm de moins et pèsent  430 kg de moins que leurs prédécesseurs de 1976. D’après Kennard, « les ingénieurs réalisent d’importantes économies de poids dans beaucoup de domaines grâce à l’utilisation des techniques informatisée avancées et de matériaux légers inusables. » A l’exception de la Séville qui dispose d’un moteur de 5,7 litres, les modèles de 1977 utilisent un V8 de 6964 cm3 plus propre et plus performant. En option, chaque modèle peut être équipé d’airbags à l ’avant. La Séville de 1977 est équipé de quatre freisns à disque et d’un système d’anti-blocage des roues à l’arrière.

L’année 1979 est assez similaire. L’Eldorado reçoit une carrosserie entièrement nouvelle et dans le goût du jour. Son châssis est plus court de 51 cm et pèse 102 kg de moins que le modèle de 1978. L’empattement a été réduit de 30,5 cm et son diamètre de braquage s’est amélioré d’environ 1,50 m. Grâce à une nouvelle suspension arrière, l’empattement a pu être réduit et les roues arrières avancées de 25 cm sans que cela ne nuise à l’habitabilité intérieure.

La liste des options disponibles sur les Cadillac comprend des rétroviseurs extérieurs droits et gauches à réglage électrique, une antenne radio entièrement automatique qui rentre dans l’aile quand la radio ou le contact sont coupés, un radiocassettes stéréo à bande 8 pistes, une radio-CB à 40 canaux et un ordinateur de bord à 12 fonctions baptisé « Tripmaster ». Initialement proposé comme option sur la De Ville de 1978, le Tripmaster fournit des indications  sur la consommation moyenne, la vitesse moyenne, le nombre de kilomètre restant à parcourir avant l’arrivée, l’heure estimée d’arrivée, le régime du moteur, la température du moteur et la puissance du système électrique. Il offre ainsi une vision de ce que pourra proposer l’électronique dans les voitures du futur.

La nouvelle Séville, un style et une technique audacieux.

En 1980, Cadillac reçoit toujours la lumière blanche de la publicité... ce qui n’étonne personne. L’attention est focalisée sur l’étonnante nouvelle Séville, qui partage son châssis à traction avant et roues indépendantes avec l’Eldorado. Mais les caractéristiques techniques de la Séville sont éclipsées par son spectaculaire nouveau style arrière. La classique forme tricorps du modèle originel a été remplacée par un dessin de style ancien à « malle arrière », inspirée par une carrosserie spéciale de Hooper d’il y a 30 ou 40 ans. Sans recourir à des détails de design rétro comme les affreux phares rapportés  des Imperial dessinées par Virgil Exner au début des années 1960, le dessinateur Wayne Cady a créé la Cadillac la plus audacieuse depuis l’Eldorado de 1967. Une fois encore, l’Amérique produit une voiture de luxe qui ne ressemble à aucune autre dans le monde.

Comme on pouvait s’y attendre au sujet d’un dessin aussi radical, la nouvelle Séville provoque de nombreuses controverses. Mais la plupart des critiques se rendent compte que cette voiture est totalement de son époque. Elle est la voiture de luxe idéale pour ces années 1980 de restrictions d’essence.

La raison d’être de la Séville, comme des autres Cadillac de 1980, est tellement « juste » qu’elle l’applique à ses moteurs. Elle propose en effet en option un formidable V8 de 6030 cm3 à injection électronique digitale (DEFI = digital electronic fuel injection), non disponible en Californie. Son système de gestion électronique travaille  avec quelques deux douzaines de variables comme la pression barométrique, la pression des tubulures, le régime du moteur, la température de refroidissement et la position de l’accélérateur. Le système traite ces informations et ajuste constamment le fonctionnement du moteur pour obtenir des performances et une consommation optimales quelles que soient les conditions. Les normes E.P.A. de la Séville DEFI donnent ainsi une consommation moyenne de 12,4 l/100 km sur route, 16,8 l/100 km en ville et une moyenne générale de 14,7 l/100 km.

Mais l’évolution la plus importante sur une voiture de luxe depuis l’apparition du V8 à soupapes en tête de Cadillac en 1949 est le montage en série d’un moteur diesel sur la Séville de 1980! Ce moteur, disponible en option sur les autres Cadillac, est un V8 de 5,7 litres d’origine Oldsmobile. Adapté par Cadillac, ce diesel est cependant plus efficace. Son temps de préchauffage n’est que de 10 secondes. Un carillon avertit alors le conducteur qu’il peut démarrer. Diffusant ni bruits, ni odeurs, ce moteur fait difficilement penser qu’il s’agit d’un diesel. Bien que ne disposant pas de la même puissance, ces conditions d’utilisation moyennes sont équivalentes à celles d’un moteur essence. Le plus important réside néanmoins dans ces chiffres de consommation E.P.A.; 8,1 l/100 km sur route, 11,2  l/100 km en ville et une moyenne de 9,8 l./100 km. Sur une voiture de luxe comme la Sedan De Ville, cette sorte d’économie est tout simplement stupéfiante. Une fois encore, Cadillac montre la voie au reste de l’industrie. Ses modèles de 1980 prouvent qu’il est possible de combiner la taille et le luxe traditionnels avec les notions d’économies qui sont habituellement associées aux petites voitures étrangères inconfortables.

 

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